Le mouvement qui peut accompagner le Dhikr est apprécié, parce qu’il stimule le corps dans l’accomplissement du rituel de l’invocation. Il est légalement permis ; la preuve en a été donnée par l’Imam Ahmad dans son Musnid et al-Hâfiz al-Muqaddasî d’après ce témoignage de Anas:
« Les abyssins dansaient devant l’Envoyé de Dieu (que la paix et le salut soient sur lui) en disant dans leur langue:
- Mohammed est un serviteur (de Dieu) vertueux.
- Que disent-ils ? demanda le Prophète.
- Ils disent: Mohammed est un serviteur (de Dieu) vertueux. » Rapporté dans le Sahîh Al-Bukhârî.
Lorsque le Prophète (que la paix et le salut soient sur lui) les
vit dans cet état, il n‘a pas désapprouvé leurs chants en mouvement. Au
contraire, il les a laissé dans ce qu’ils faisaient. Or il est notoire
que les dispositions légales sont déduites des dires, des actes et des
décisions de l’Envoyé de Dieu. Dès le moment où il n’a pas interdit ce
qu’ils faisaient il les a approuvés ; il en résulte que les chants en
mouvement sont permis, même dans une mosquée.
Cette tradition atteste le caractère licite du mouvement qui accompagne
l’éloge chantée du Prophète (que la paix et le salut soient sur lui).
Encore faut-il dire que le mouvement opéré au moment du Dhikr ne soit
pas considéré comme de la danse [divertissement]. Il est donc reconnu
parcequ’il stimule le corps et aide à amener le coeur à être présent
avec Dieu. Si l’intention est bonne, chaque chose étant évaluée selon
l’intention qui l’anime, l’acte est apprécié. ‘’Les actes procèdent
selon l’intention. Chaque homme aura [en rétribution] selon son
intention’’, a dit l’Envoyé de Dieu (que la paix et le salut soient sur
lui).
Dans
la Tradition des Compagnons :
L’Imam ‘Ali décrit ainsi les compagnons du Prophète. Abû Arâkat a
dit: « J’ai accompli la prière du Fajr avec l’Imam ‘Ali. [ Une fois la
prière accomplie ] il se déplaça sur sa droite et s’arrêta comme si une
tristesse l’avait submergé. Au moment où le soleil s’éleva au dessus du
mur de la mosquée d’une hauteur égale à la portée d’une lance, il pria
deux Rak’ât, puis il fit balancer sa main et dit: « Par Allah, j’ai vu
les Compagnons de Mohammed, que la paix et le salut soient sur lui, et
je ne voie aujourd’hui rien qui leur est comparable: ils terminaient la
nuit, le visage pâle, les cheveux ébouriffés et le corps recouvert de
poussière. Ils se repentaient à Allah, en état de prosternation ou
debout, ou en lisant le Livre d’Allah. Tôt le matin, ils invoquaient
Allah en se balançant comme se balance l’arbre dans un jour de vent
fort. Leurs yeux s’emplissaient de larmes jusqu’à mouiller leurs
habits. » (Al-bidâya wa al-nihaya fî al-tarîkh: t.8, p.6)
Il est clair que les Compagnons du Prophète, que la paix et le salut
soient sur lui, accompagnaient leurs invocations d’oscillations. Ainsi
ceux qui prétendent que le balancement du corps est une innovation
blâmable ne résiste pas aux faits traditionnels. C’est à dire en
définitive, que le mouvement est absolument licite lors du Dhikr.
Certes, certains groupes, étrangers au Tasawwuff, ont altérés la
beauté des cercles de Dhikr à cause des innovations répréhensibles
qu’ils ont introduites et des actes détestables que
la Sharî’a interdit sans conteste. Ces groupes s’assimilent aux soufis
bien que ceux-ci les désavouent. Ce qui est regrettable, c’est que
certains, qui se réclament de savants musulmans, se sont attaqués aux
cercles de Dhikr, sans distinguer les étrangers dont nous avons parlés,
des invocateurs sincères qui cheminent sur la voie d’Allah et dont le
Dhikr ne fait que les enraciner dans
la Foi, les élever à une morale sublime et leur procurer la sérénité du
coeur ; alors que pour les étrangers au Soufisme dont nous avons parlé,
le Dhikr est devenu chez eux un moyen de distraction qui encourage
l’insouciance, l’indifférence et la réalisation de vils desseins.
En contrepartie, il exista des savants objectifs et équitables qui
différencient des soufis véridiques qui prennent l’Envoyé d’Allah, que
la paix et le salut soient sur lui, en exemple, et ces intrus
hérétiques. Ces érudits ont exposé les lois d’Allah relatives au Dhikr.
A leur tête, il y a le savant Ibn ’Abidîn qui, dans Shifâ al-’Alîl (La
guérison du malade) a critiqué ces étrangers au Tasawwuff. Il a mis en
évidence les innovations coupables et les actions illicites qu’ils y
ont insérées dans le Dhikr. Et il poursuit en disant: « Il n’y a rien à
dire sur la sincérité de nos maîtres soufis, innocents de toute
accusation d’apostasie (abandon de la religion). »
L’Imâm al-Junaydî a mentionné: « Le savant, l’illustre Ibn Kamâl
Pacha a répondu à une question concernant les gens qui se rassemblent
et, en commun, balancent leur corps. Il a cité ces deux vers:
« Il n’y a aucun mal à éprouver des états spirituels intenses,
quand tu es sûr qu’il s’agit bien de cela et il n’y a aucun mal dans le
balancement s’il est purement [l’expression de l’amour de] Dieu.
Tu te lèves [sous les effets de ton état], marches sur tes pieds. Et il
convient pour celui qui est appelé par son Seigneur, d’aller vers Lui,
quand bien même en marchant sur la tête. »
Il ne fait aucun doute que l’amour passion est le résultat de l’extase
et sa manifestation. Il n’y a aucune gêne à s’y adonner si l’intention
est bonne, comme l’a précisé Ibn ‘Abidîn dans le vers que voici:
« Il n’y a aucun mal dans l’amour de Dieu s’il ne procure aucune gène,
et il n’y en a pas dans le balancement s’il ne provoque aucun dommage. »
(Ensemble d’écrits d’Ibn’Abidîn, p.172-173)
Puisque l’amour passion est légalement permis et qu’il ne procure
aucune gène comme l’ont indiqué les ‘ulamas, il s’ensuit que l’extase
en est la première conséquence. Or, l’extase des soufis et leur amour
ardent ne sont que des acquisitions reçues des Compagnons de l’Envoyé
de Dieu, que le salut et la paix soient sur lui.
Le muftî des shâfi’ites à
la Mecque, le grand érudit Ahmad Zaynî Dahlan a écrit, dans son célèbre livre sur
la Sîra al-Nabawiyya, une des scènes de leurs états. Commentant l’événement, il a dit:
« Après la prise de Khaybar, Ja’far Ibn Abî Tâlib était revenu
d’Abyssinie, accompagné des vingt-six musulmans qui vivaient avec lui.
Il rencontra le Prophète, que le salut et la paix soient sur lui,
embrassa son front et lui donna l’accolade. L’Envoyé d’Allah se leva,
par respect pour aller vers lui. Il en fit de même à l’arrivée de
Safwân Ibn Ummiyya et Adî Ibn Hâtim. Il dit ensuite: « Je ne sais pas
ce qui me rend joyeux: est-ce la prise de Khaybar ou l’arrivée de
Ja‘far ? » Il dit à Ja’far: « Tu me ressembles de physique et de
caractère. » Après ce discours, Ja’far se mit à danser pour savourer ce
moment. Le Prophète, que le salut et la paix soient sur lui, ne le
désavoua pas.
Il se trouve que « la danse » des soufis se fonde sur cet événement.
C’est ce qu’ils font chaque fois qu’ils trouvent une sensation
savoureuse dans leur amour passionné lors des assemblées qu’ils
tiennent pour invoquer Dieu. »
(Tiré du livre al-Sirah al-Nabawiyya wa al athar al Mohammada ou La vie
et l’oeuvre du Prophète, de Zini Dahlane en marge du livre La vie du
Prophète dite Al-Sirra al-halabia, t.2 p.252 et le hadîth rapporté par
Bukhari dans son Sahih.)
Commentant ce verset: « Ceux qui invoquent Dieu, debout, assis et allongés sur leurs côtés »,
Ahmad Zayni Dahlan a dit: « Ibn’Umar, ‘Arwâ Ibn al-Zubayr et un
groupe de musulmans allèrent le jour de la fête de l’A’ïd au lieu où
devait s’accomplir la grande prière. Ils commencèrent par invoquer
Dieu. L’un d’eux dit: Dieu n’a-t-il pas dit: Ils l’invoquent debout et
assis ? Ils se levèrent et se mirent à L’invoquer, en se tenant sur
leurs pieds. Par leur comportement ils voulaient être bénis par Dieu en
se conformant à l’une des positions prescrites par le verset. »
Ainsi, nous comprenons de ce qui précède que le mouvement dans le Dhikr
est légalement permis. A cela s’ajoute l’ordre donné par Allah pour la
pratique du Dhikr qui est un ordre absolu: il englobe toutes les
possibilités. Celui qui invoque Dieu, assis ou debout, arrêté ou en
marchant, en se mettant en mouvement ou en demeurant immobile, celui-ci
se conforme à ce qui est demandé et exécute un commandement divin.
Or celui qui prétend que le mouvement des corps est interdit dans le
Dhikr ou qu’il est détestable, doit apporter une preuve décisive pour
se justifier parcequ’il particularise certains commandements absolus
sans d’autres par une loi particulière.
Quoi qu’il en soit, le but du musulman en se joignant à un cercle de
Dhikr consiste à adorer Allah à travers ses invocations. Le balancement
du corps n’est pas une condition mais un moyen pour dynamiser son culte
et accentuer son amour ardent, dans la mesure où son intention est
pure.
Adoptez leur attitude si vous n’êtes pas comme eux car la ressemblance avec les généreux est un succès.