La question des origines du Soufisme (al-tasawwuf)
n’est pas simplement une question historique. Le Soufisme qui désigne la
spiritualité de l’Islam, ou en d’autres termes, la vérité intérieure (al
haqîqah) ; n’a d’autre véritable origine, tout comme la loi religieuse
(al-shariyah) , que
C’est
pourquoi, le Soufisme, en tant que réalité intérieure, a précédé le nom utilisé
d’ailleurs, pour caractériser les pratiques des ascètes des premières
générations. Il est dès lors, facile de comprendre les propos de Hujwiri
déclarant en citant Abu al-Hassan al-Fùshunjî (m. 318) :
« Aujourd’hui tasawwuf est un nom sans réalité alors qu’il fut une
réalité sans nom » ; et Hujwiri ajoute « Du temps des Compagnons
et de leurs successeurs ce nom n’existait pas, mais la réalité qu’il désigne
était en chacun d’eux. »
Il faut donc bien distinguer entre d’une part, l’essence
même du Soufisme et sa doctrine ; et d’autre part ses manifestations
historiques et sociales qui ne sont toujours que secondaires.
Le
Soufisme puise à la source des Lumières Divines et des Secrets Seigneuriaux
contenus dans le Coran ; et sa véritable origine est auprès de Dieu.
C’est la raison
précise pour laquelle les Soufis ont qualifié le tasawwuf de Science
venant d’auprès de Dieu (‘ilm laduni). Cette science est généralement définie
comme un goût (dhawq), c’est-à-dire comme une expérience intime de la proximité
de Dieu.
Le Saint Prophète (S)
lui même fait allusion à cette connaissance gustative en disant :
« Il a goûté le parfum de
Il faut remarquer que
ceux, parmi les adversaires du Soufisme, qui pour le nier, évoque la non
existence du terme à l’époque du Prophète (S), ne se rendent pas compte que le
Soufisme en tant que science religieuse, tout comme les autres sciences de la
religion (fiqh, tafsir…) n’est que le développement des potentialités
inhérentes à la révélation coranique ; et que leur apparition répond à la fois
à des besoins de la communauté et au nécessaire déploiement des principes, des
sciences et des lumières contenus dans le texte révélé.
Par contre, la réalité du Soufisme est clairement formulé dans le célèbre
hadith dit de Jibril, ou le Prophète (S) interrogé au sujet de l’Ihsan, qui
signifie l’excellence dans la foi et le comportement, dit : « Adore
Dieu comme si tu Le voyais, car si tu ne Le vois pas, Lui te voit. » (an
ta`buda llah kâ’nnaka tarâhu, fa in lam fakun tarâhu fa innahu yarâk)
De façon unanime, les Soufis, mais aussi, les savants considèrent cette
excellence qui est de même le degré sublime de la religion (Dîn) comme la
station du Soufisme qui consiste à réaliser les Saintes Qualités du Prophète
(makarîm akhlâq) et à purifier le cœur de tout ce qui n’est pas Dieu.
Personne n’a mieux réalisé ces nobles caractères prophétiques que les
Compagnons du Prophète (S) et ceux de la génération suivante. C’est pourquoi
tous les Soufis sont convaincus que les Compagnons étaient véritablement des
Soufis, quelle que soit l’origine historique du terme. La composition des
traités classiques du Soufisme n’est que l’explicitation écrite d’une
expérience et d’une doctrine , pour en expliquer les fondements, les principes,
les méthodes et les pratiques spirituelles. Cette explicitation est
providentielle car elle répond aussi à des critiques hostiles, tout comme elle
éveille des aspirations et des prédispositions à la vie spirituelle chez les
hommes qui cherchent les « Séances du souvenir » (majlis al-dhikr) et
l’expérience de l’amour spirituel (al-mahabba). C’est cela la raison d’être de
toutes les Voies Soufies aux différentes époques, et ainsi que le disait
al-Junayd : « Notre voie (madhhab) est lié aux principes du livre (al
Qur’an) et de la conduite prophétique (sounnah) » et, «cette science
(‘ilm) qui est la nôtre est façonnée avec les paroles de l’Envoyé de
Dieu » (Risalat al-Qushayriya).